Alien
En 1979, Ridley Scott inventait une nouvelle façon d'avoir peur. Un univers de science-fiction original (on lui devra Blade Runner, référence inégalée qui confirmera ses qualités de démiurge), un monstre polymorphe à peine visible, toujours plongé dans l'obscurité , lorsqu'il n'apparaît pas sous les éclairs d'un stroboscope, un huis clos propice à la claustrophobie, et un rythme lent qui joue non sans sadisme avec les nerfs du spectateur. Alien, sous-titré "le huitième passager", tirait sa force de cette menace toujours tapie dans les recoins sombres d'un vaisseau spatial gigantesque (le Nostromo), trop sans doute pour les membres de cet équipage qui auraient préféré voir la réconfortante Terre à leur réveil plutôt que le vide de l'espace. Depuis cette première rencontre, la créature surgie de l'imagination de H.R. Giger a fait des petits. Auréolé du succès remporté par un autre mythe de la SF, Terminator, James Cameron multiplie en 1984 les créatures et les lâche sur une poignée de marines à la tête desquels Ripley, seule survivante du Nostromo, affirme sa dimension de combattante et de leader charismatique, bien malgré elle, à l'instar d'une certaine Sarah Connor. Plus tourné vers l'action pure, Aliens représente un pendant quasi indispensable à son prédécesseur, contrairement à Alien 3 (dont le script subit moult remaniements, symptomatiques d'une volonté d'exploiter une licence désormais juteuse) et à Alien résurrection qui, bien que dirigés par de talentueux chefs d'orchestre, — respectivement David Fincher et Jean-Pierre Jeunet —, n'apportent pas grand chose de neuf à la série, hormis une surenchère visuelle et une exploration toujours plus profonde de la relation ambiguë qu'entretient Ripley avec les vilaines bébêtes. Pas loin de 25 ans après la découverte de cette espèce inconnue et terrifiante dont l'hostilité, selon Ash, l'officier scientifique du Nostromo, n'a d'égal que sa pureté, Scott livre une version inédite, amputée de quelques séquences, au bénéfice de quelques autres, dont une altercation entre Lambert et Ripley, et surtout la découverte des corps de Dallas et de Brett, emprisonnés dans la résine que sécrète l'alien, séquence reprise par Cameron dans son Aliens. Pas de quoi sauter au plafond. On se demande plutôt si cette démarche ne relève pas plus du coup de pub pour accompagner la sortie du coffret réunissant tous les volets de la tétralogie. Toujours est-il que la re-sortie en salle d'Alien que ne rateront pas les fans de la première heure, permet de constater tout d'abord que le film n'a pas pris une ride seuls les écrans d'ordinateurs restent d'époque). Pourquoi ? Simplement parce qu'il contient en germe tout ce dont les films de science-fiction des 25 dernières années se sont nourris : esthétique mêlant l'organique et le mécanique, idéologie selon laquelle le Mal se cache parmi nous, voire en nous-mêmes (Kane accouche littéralement du monstre, dans la douleur et la mort, tout comme le fera Ripley deux épisodes plus loin), subtile équilibre entre silence intenable et concert assourdissant de sons industriels (les battements du cÅ“ur de Brett, à la recherche de Jones, le chat, se superposent au ronronnement du Nostromo), conspiration des lobbies, voire du gouvernement, et lutte pour la survie entre l'homme et la machine. En somme, loin des considérations métaphysiques du 2001 l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, Alien marque cependant un tournant décisif dans l'histoire de la SF au cinéma. Plus pessimiste que Star Wars, moins kitsch que Star Trek. Les inconditionnels de X-Files, d'Independance day, de Starship troopers et de Matrix, sont tous des enfants légitimes d'Alien.
anonyme